Être une femme dans l’agriculture : témoignages de productrices Bio Loire Océan

Être une femme dans l’agriculture : témoignages de productrices Bio Loire Océan

08-03-2023

productrice bio loire océan

Ce 8 mars 2023 sera célébrée la journée des droits de la femme, dédiée à mettre en lumière les revendications et les victoires des femmes dans la société. Il s’agit d’une journée de mobilisation et de sensibilisation annuelle en faveur de la lutte contre l’inégalité des sexes à travers le monde entier.


A cette occasion, nous sommes allés à la rencontre de deux productrices Bio Loire Océan dont vous pouvez retrouver les légumes dans vos paniers : Laure Viau du GIE Bio Frêche (Valanjou, 49) et Mathilde Gaudicheau du GAEC Pachamama (Denezé-sous-Doué, 49). Elles témoignent de leur parcours professionnel, et de ce que cela signifie aujourd’hui d’être une femme dans l’agriculture.

Deux productrices, deux parcours différents

Anciennement technicienne de laboratoire à la Faculté des sciences de l’Université d’Angers, Laure Viau est issue d’une formation agricole avec une spécialisation dans les technologies végétales. Elle s’est installée officiellement en 2014 au GIE Bio Frêche, en s’associant avec son conjoint Laurent qui était, lui, déjà installé depuis 2005. Fille de maraîchers, elle a toujours baigné dans l’univers agricole en aidant ses parents à la ferme dès qu’elle le pouvait. Mathilde, quant à elle, n’était pas du tout issue du milieu agricole à l’origine : anciennement saisonnière au GAEC Pachamama, c’est lorsqu’une opportunité d’installation s’est libérée qu’elle a effectué un BPREA (Brevet Professionnel Responsable d’Exploitation Agricole). Elle a ensuite rejoint l’exploitation en tant qu’associée en avril 2022 - créant ainsi une belle parité au sein des associés, composée de deux hommes et de deux femmes désormais.  
Les souvenirs du démarrage qu’elles gardent ? « Faire ses preuves sans période d’essai », indique Laure, pour qui son poste à responsabilité ne lui donnait pas le droit à l’erreur. « En tant que femme, on va te tester pour voir si tu tiens la route », surtout à la période où elle a commencé, durant laquelle le milieu agricole et notamment le marché du gros était à grande majorité masculin. Mathilde a vécu son lancement de manière plus progressive : « j’ai pris ma place dans l’équipe petit à petit car j’ai commencé en tant que saisonnière, puis stagiaire et salariée et enfin associée ».

Être une femme dans l’agriculture : un rythme de vie intense et varié

« On s’impose des horaires » affirme Laure. Maman de quatre enfants dont la plus jeune a 7 ans et l’aînée 18, Laure visse sa « casquette de maman » lorsque les enfants sont là, puis la remplace par sa « casquette de cheffe d’exploitation dès que le bus scolaire part ». C’est un rythme soutenu, qui n’est pas toujours simple, mais elle a su y trouver son équilibre. Vivant sur l’exploitation avec son mari, elle a mis en place la règle de ne pas parler du travail le weekend, pour se consacrer pleinement aux enfants. « C’est un équilibre très important auquel je ne veux pas toucher ». Mathilde, quant à elle, perçoit aussi ce « gros investissement » en termes de rythme. Le GAEC Pachamama produit notamment des céréales en grande culture, et l’exploitation est elle-même transformatrice. Mathilde et ses associés assurent donc un « travail très polyvalent : culture, mécanique, confection de farines et de pains… » avec un « temps d’apprentissage long ». Dans ce métier, elle trouve son équilibre et son confort, habitant à 7 km de l’exploitation et travaillant sur le projet de rénovation de sa maison. « Je compte bientôt faire le trajet en vélo électrique, et je rentre chez moi le midi ».

Qu’est-ce qu’une agricultrice aujourd’hui ?

Pour Laure, une agricultrice est « une femme de caractère avec ses forces et ses faiblesses, qui ramène également un peu de douceur ». Le changement d’époque l’oblige à « s’imposer dans ce monde d’hommes » et à « faire sa place ». Mathilde complète cette définition en indiquant qu’une agricultrice est et doit être l’égale d’un agriculteur, encore plus dans le contexte actuel où « le travail non rémunéré des conjointes d’exploitants vient seulement d’être reconnu ».

L’agriculture est un milieu historiquement masculin et qui est toujours perçu comme tel dans l’imaginaire collectif. Qu’en pensez-vous ?

« C’est un milieu encore complètement masculin, en effet. Même si des installations de conjoints ou uniquement de femmes se font, cela reste à la marge » relève Laure. Un constat que partage Mathilde, qui ajoute en souriant que cela lui arrive encore que des personnes lui demandent où se trouve son patron ou son mari dans le cadre professionnel. « Cela a longtemps fonctionné ainsi, ce sont des façons de faire et des idées qui restent », même si le milieu se féminise tout doucement. Laure et Mathilde se rappellent avec humour un souvenir issu d’un vécu commun : celui des regards curieux du voisinage lorsqu’elles conduisaient des tracteurs à leurs débuts…  
« Les instances agricoles, comme les CUMA (Coopératives d’Utilisation de Matériels Agricoles) restent composées à majorité d’hommes, avec très peu de place pour la femme » commente Laure. Le ressenti est le même « quand on traverse les allées de certains salons agricoles professionnels » souligne Mathilde.  
Aujourd’hui, près d’un quart des exploitations agricoles sont gérées par des femmes en France (Source : MSA, 2019). Ce chiffre dépasse les 27% dans le Maine-et-Loire, où sont basées Laure et Mathilde (Source : MSA, 2019). Lentement mais sûrement, le métier se féminise. Selon Mathilde, « les femmes sont plus représentées dans l’agriculture biologique ». Et à Bio Loire Océan, « la femme a sa place dans la discussion, et ce sont des femmes et des hommes qui mènent ensemble les projets de l’association » conclut Laure.

productrice bio loire océan

Mathilde du GAEC Pachamama - Crédit photo : P. Xicluna / Bio Loire Océan

Comment vivez-vous le fait d’être des femmes dans l’agriculture ?

Le sentiment est unanime : Laure et Mathilde sont extrêmement fières d’être productrices et cheffes d’exploitation. Laure se sent comme « un oiseau libre maître de son temps », avec une considération humaine qui n’a pas de prix et un épanouissement en adéquation avec ses valeurs de vie. Mathilde s’épanouit également dans ce statut car elle découvre en même temps un nouveau métier, après sa reconversion. Malgré la forte emprise masculine sur le milieu, elle sent « de belles entraides et un beau réseau d’hommes et de femmes très ouverts ». « J’ai l’impression qu’on me laisse ma chance », affirme-t-elle en soulignant les échanges permis par les communautés du monde agricole biologique, comme le GAB (Groupement des Agriculteurs Biologiques) et Bio Loire Océan, où les femmes sont bien représentées.

Quelles évolutions vous ont marquées en tant que femmes dans ce milieu ?

Mathilde voit un changement au niveau des formations agricoles proposées : il y a désormais « quasiment autant de femmes que d’hommes, c’est un phénomène récent ». Des formations qui sont parfois même uniquement proposées aux femmes, dans le but de les mettre en confiance et qu’elles se sentent écoutées. « Cela suit son cours et bouge, je suis positive à ce sujet », assure-t-elle. Pour Laure, c’est « le regard des autres agriculteurs » qui a évolué. Même si les femmes doivent faire leurs preuves pour avoir leur place, « une marque de respect est née envers elles et une relation respectueuse et équilibrée s’est créée » entre agriculteurs et agricultrices. Elle ressent cette dynamique dans sa relation d’associée avec son mari Laurent, qui a toujours été « dans cette dimension d’égalité, avec des décisions prises à deux ».

Qu’est-ce qui doit changer aujourd’hui selon vous ?

« Le fait qu’en tant que femme, tu n’as pas le droit à l’erreur » certifie Laure. De manière générale, les clichés à la vie dure doivent disparaître : ceux sur les femmes agricultrices, mais aussi sur le monde rural dans son entièreté. L’objectif est de « moins dévaloriser le milieu agricole et de laisser la porte ouverte à tous : il faut être intelligent et sensible pour travailler le végétal, peu importe le sexe » explique Mathilde.

Enfin, quels conseils donneriez-vous à une femme qui souhaite se lancer dans l’agriculture ?

Pour Mathilde, les échanges sont la clé. « Bien s’entourer, aller chercher des liens, des réseaux et du soutien pour partager avec d’autres hommes et femmes son expérience car l’agriculture a de multiples facettes. Ce qui fera bouger les choses, c’est discuter. » Quant à Laure ? « Ne rien lâcher, peu importe ce qui se trouve en face de nous. Il y a un beau cadeau à la fin : l’épanouissement personnel. Même si ce n’est pas facile tous les jours, cela en vaut la peine. »

 

Merci à Laure Viau et à Mathilde Gaudicheau pour leurs témoignages !  
Pour en savoir plus sur leurs exploitations, c’est par ici :

GIE Bio Frêche : Instagram - Facebook - Site web

GAEC Pachamama : gaecpachamama@gmail.com

 

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